Robert G. Schmidt : Un Etude par François Boitel

Robert G. Schmidt : Un Etude par François Boitel

« L’art de la lumière de Robert G. Schmidt et la transposition figurative »


par François Boitel (Docteur ès-Lettres et Sciences Humaines, et Docteur en Sciences de la Terre (Paléontologie).


L’art de Robert G. Schmidt s’est d’abord fait connaître, il y a une quarantaine d’années, par des compositions aux constructions solides, aux coloris soutenus. Chacun se souvient de sa prédilection pour ses cafetières, cet objet singulier qu’il entourait d’harmonies oniriques.


Quant aux fleurs peintes par l’artiste, elles vivent des mille tons purs que nous offre le règne splendide des plantes à pétales, les dernières venues sur terre, il y a environ cent millions d’années, les dernières mais aussi les plus belles pour le ravissement des yeux.

Robert G. Schmidt nous a offert ses fleurs et il nous les a fait humer par nos sens visuels. Mais cette riche matière picturale, qu’il ne cesse de modeler, Robert G. Schmidt nous l’a fait aussi entendre. Posant ainsi un violon sur un simple fauteuil, il a dégagé du ciel, par une trouée de lumière, des rayons de soleil pour que le timbre radieux des cordes, comme une mélodie de Vivaldi, nous enchante.


Alors la Terre elle-même s’est mise en rotation autour du violon et de ce qui l’entourait, et cette sorte de danse a porté notre âme en un mouvement spiral. L’on comprend aisément, dans cet univers, qu’Olivier Messiaen ait pu s’y reconnaître, lui qui préfaça l’une des premières expositions de Robert G. Schmidt.


De cette atmosphère intime, et si pudique dans sa délicatesse, Robert G. Schmidt nous entraîna progressivement vers une nouvelle lumière dont l’incidence se reflétait, puis se réfractait jusqu’au travers des maisons, des tours, des ponts et des clochers de sa Touraine. Mais son monde n’était plus en “espace plat”, comme disent les géomètres d’Euclide; il se construisait en courbures constantes. Ainsi voyions-nous les rayons de lumière courber la solidité de la matière et offrir un spectre diaphane à tout ce qui est terrestre.


Alors le paysage s’anime de lui-même, que nous soyons en bord de Loire ou de Seine, ou en Provence à Roussillon. Le mouvement n’est pas imposé de l’extérieur : c’est la nature et le monde humain qui prend vie en une immense torsade de rayons, offrant à l’âme la sérénité d’une contemplation qui nous aspire irrésistiblement vers le Haut.


Nul vertige, nulle angoisse dans cet univers en perpétuelle courbure. C’est la Terre même sur laquelle nous vivons qui est en rotation! Et avec beaucoup de subtilité et de douceur, Robert G. Schmidt nous entraîne dans cette ondulation, non pour nous effrayer mais pour nous enchanter dans un surréel que nous ne voyions pas, que nous ne sentions pas avant lui.

Mais le surréel de Robert G. Schmidt n’est pas un surréalisme : il nous offre une réalité transfigurée, car le secret de cet artiste, c’est de nous inviter à une continuelle transposition de la nature et des êtres.


Bien qu’il innove, l’art du paysage de Robert G. Schmidt n’est pas en rupture : il ne détruit pas, il ne “déconstruit” pas les arts du paysage qui l’ont précédé. L’innovation assume pleinement une tradition. Les générations de peintres qui ont précédé ont eu, chacune, leur propre perception de la lumière. L’art de Robert G. Schmidt puise à la tradition la plus pure du paysage occidental.


En vivant ce tournoiement lumineux au sein même des paysages, on pourrait évoquer la torsade sidérale du fameux tableau d’Altdorfer, la bataille à Issos. Mais l’atmosphère est ici menaçante et les montagnes se hérissent. Rien de tel chez Robert G. Schmidt.


On pourrait aussi penser, par certains aspects, aux ciels des paysages hollandais. Mais Ruysdaël accentuait les diagonales jusqu’aux nuages là ou Robert G. Schmidt les harmonise en courbes. Enfin, ne pourrait-on évoquer la fameuse vue de Tolède du Greco qui nous donne une interprétation du paysage vu comme en rêve, où tout baigne d’une lumière irréelle ? Mais la lumière de Robert G. Schmidt n’est pas irréelle, elle est surréelle; elle n’est pas incisive, elle est fondue comme en un nouveau “sfumato”.


Robert G. Schmidt ne renie rien de chacune de ces grandes traditions. Qu’elle appartienne aux montagnes du Saint Empire avec Altdorfer et ses successeurs, qu’elle nous vienne de la Hollande avec ses grands ciels, ou de l’Espagne avec sa forte mystique à la Greco, la Tradition est un puissant stimulant pour l’innovation, vraie, sincère, pure de toute défiance. La Tradition est le sang qui coule dans nos artères pour nous oxygéner.


L’originalité de Robert G. Schmidt ne provient pas d’un intellect en mal de “nouveauté” : elle s’alimente à une source d’eau fraîche qui coule en nous, presque à notre insu, pourvu que notre désir soit sain. Mais, comme le rappelle Robert G. Schmidt lui même, le dessin rigoureux et sûr en est la condition indispensable. La main de l’artiste, si elle n’est elle-même “intelligente”, ne saura ni seconder son esprit, ni inspirer son cœur.


Robert G. Schmidt a raison de soutenir un grand combat : l’Art vrai, pour la plus haute dignité de l’homme dans son aspiration au Beau.

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